L’Exequatur Des Jugements Français en Türkiye

10.05.2023

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L'exécution des jugements étrangers en Türkiye n'est possible qu'avec l'exequatur rendue par les tribunaux turcs. Lorsque les tribunaux turcs examinent les demandes d'exequatur, ils se limitent aux conditions d’exequatur énoncées dans la loi relative au Droit International Privé et au Droit Procédural (le "DIP"). À cet égard, pour qu'un jugement rendu par un tribunal français soit exécutoire en Türkiye, (i) le jugement doit être rendu par un tribunal, (ii) le jugement doit relever du droit civil et (iii) le jugement doit être définitif (c'est-à-dire qu'il ne doit pas être susceptible d'appel). Alors que le respect des conditions (i) et (iii) est vérifié en vertu du droit français, le classement du jugement dans la catégorie de procédure civile est effectué selon le droit turc. Les jugements français qui remplissent ces conditions peuvent être reconnus et exécutés en Türkiye s'ils remplissent également les conditions d'exequatur détaillées ci-dessous.

Les tribunaux turcs n'examinent pas le fond du jugement dans le cadre de la procédure d'exequatur. Ainsi, le système de révision au fond, qui implique que le tribunal d'exequatur réexamine le jugement faisant l'objet de la demande d'exequatur au fond selon la loi du lieu d'exequatur, n'a pas été adopté en droit turc, tout comme en droit français.

1. Les Conditions d'Exequatur

L’examen des demandes d’exequatur par les tribunaux turcs se limite aux conditions d'exequatur suivantes.

1.1. Il doit y avoir réciprocité entre Türkiye et le pays où la décision a été rendue.

L'exequatur des jugements des tribunaux étrangers en Türkiye est soumis à la condition de réciprocité entre Türkiye et le pays où le jugement a été rendu. En droit turc, la condition de réciprocité est largement interprétée et comprend la réciprocité contractuelle (l'existence d'un accord international entre le pays étranger et Türkiye concernant l'exequatur des jugements ou contenant des dispositions à ce propos), juridique (l'existence d'une règle juridique dans le droit du pays étranger à ce propos) et de facto (l'exequatur des jugements rendus par les tribunaux turcs par les tribunaux du pays étranger). Cette condition est considérée être remplie en présence de l'une des formes de réciprocité susmentionnées.

Il n'existe pas d'accord international régissant la réciprocité entre Türkiye et la France. Il faudrait donc analyser s'il existe une règle juridique ou une pratique de facto en France qui prévoit l'exequatur des jugements turcs.

Bien qu'il n'y ait pas encore de jurisprudence établie sur ce sujet par la Cour de cassation, en pratique, les tribunaux turcs décident principalement de l'existence de la condition de réciprocité entre Türkiye et la France, en se référant aux différents types de réciprocité. Récemment, dans une décision [1] rendue en 2022, la Cour d'appel d'Istanbul a reconnu que la condition de réciprocité entre les deux pays était remplie et a exécuté le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris au sujet d’un litige concernant les marques.

1.2. Le jugement ne doit pas avoir été rendu dans une matière relevant de la compétence exclusive des tribunaux turcs et le tribunal étranger ne doit pas exercer sa compétence exorbitante.

Pour que les tribunaux turcs puissent décider de l'exequatur d'un jugement étranger, ce dernier ne doit pas avoir été rendu dans une matière relevant de la juridiction exclusive des tribunaux turcs. Les matières relevant de la juridiction exclusive des tribunaux turcs sont prévues par toute une série de lois. Par exemple, un jugement français concernant les droits réels sur un bien immobilier en Türkiye ne peut pas être rendu exécutoire en Türkiye en vertu de cette condition d'exequatur. De plus, le fait que le jugement étranger ait été rendu en application de règles de juridiction qualifiées de "règles de compétences exorbitantes" est également considéré comme un motif de refus d'exequatur en vertu du droit turc. Ainsi, les jugements français rendus en vertu des articles 14 et 15 du Code civil français, qui donnent compétence aux tribunaux français pour tous les litiges contractuels auxquels les Français sont partis, risquent de ne pas être rendus exécutoires en Türkiye.

1.3. L'exécution du jugement en Türkiye ne doit pas violer manifestement l'ordre public turc.

Il n'existe pas de texte législatif définissant l'ordre public en droit turc. Il appartient au juge de l'exequatur de déterminer si un jugement étranger est manifestement contraire à l'ordre public ou pas. L'approche actuelle en droit turc est d'interpréter cette condition d’exequatur de manière restrictive. Dans ce contexte, en règle générale, le juge de l'exequatur ne refuse l'exequatur que dans les cas où l'exécution du jugement français en Türkiye violerait (i) les valeurs fondamentales du droit turc, (ii) les droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution, et (iii) l'ordre public économique. Il convient de noter ici qu'un jugement français contraire à la loi turque ne signifie pas ipso facto que ce jugement constitue une violation manifeste à l'ordre public.

1.4. Le jugement ne doit pas porter préjudice aux droits de défense.

Sous cette condition d'exequatur, le défendeur doit avoir été présent ou représenté devant la cour française qui a rendu le jugement pour lequel l'exequatur est demandé, conformément à la loi française. Le fait que le jugement ait été rendu en l'absence du défendeur, en violation de la loi française, est considéré comme un motif de refus d'exequatur en droit turc.

2. Exemption de Garantie

Les personnes physiques et morales étrangères qui intentent une poursuite, participent à une poursuite ou commencent une procédure d'exécution sont tenus de fournir une garantie déterminée par le tribunal afin de couvrir les frais de la procédure et les dommages-intérêts de la partie adverse. Toutefois, le tribunal peut exempter les personnes réelles et morales étrangères de l’obligation de garantie sur la base de la réciprocité. La condition de réciprocité concernant l’obligation de garantie peut être contractuelle, légale ou de facto, similaire à la condition de réciprocité que nous avons également abordée parmi les conditions d'exequatur.

En vertu de la Convention de 1954 Relative à la Procédure Civile à laquelle Türkiye et la France sont parties, les personnes physiques et morales françaises seront dispensées de l’obligation de garantie dans le cadre de la poursuite d’exequatur qui sera intentée en Türkiye. Bien que la Cour de cassation ait rendu des décisions où elle a considéré que cette disposition ne concerne que les personnes physiques et que les personnes morales étrangères ne peuvent pas en bénéficier, la jurisprudence prévalente de la Cour de cassation énonce que les personnes morales étrangères bénéficieront également de cette exemption.

3. Conclusion

Les parties qui souhaitent exécuter des jugements français en Türkiye sont tenues de faire une demande d'exequatur aux tribunaux turcs. Les tribunaux turcs décident de l'exequatur du jugement français si les conditions préalables et les conditions d'exequatur énoncées dans le DIP sont remplies. Si la décision d'exequatur rendue par les tribunaux turcs devient finale, il est alors possible d'exécuter le jugement en Türkiye par le biais des offices d'exécution turcs. En outre, les personnes physiques et morales françaises qui font une demande d'exéquatur en Türkiye sont dispensés de l’obligation de garantie pour l'exequatur des jugements français.


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